Deux théologiens face à face:
Saint. Bonaventure et Saint. Thomas d'Aquin
Introduction
Le but de cet écrit est d’aborder quelques concepts fondamentaux qui
concernent le don de l’Esprit Saint dans la vie des croyants, selon deux théologiens
médiévaux, qui représentèrent au XIIIème siècle des écoles de
pensée opposées: Saint Bonaventure de Bagnoregio (1217, près d’Orvieto -
1274, Lyon) et Saint Thomas d’Aquin (1124 ou 1225, Aquino,- 1274, Lyon). Deux
italiens donc, qui enseignèrent à la Sorbonne à Paris, respectivement à la
chaire théologie franciscaine et à celle de théologie dominicaine. Deux écoles
différentes, l’une plus proche de la pensée platonicienne, l’autre de
celle aristotélicienne, mais aussi deux façons de vivre pleinement le mystère
de l’Esprit, à tel point que l’Église universelle les a élevés aux
honneurs de l’autel, en les désignant comme modèles de vertu chrétienne et
de sagesse théologique. Par un curieux hasard de l’histoire, ils furent
presque contemporains (Bonaventure était 7 ou 8 ans plus âgé que Thomas) et
moururent la même année, en 1274. Nous tenterons d’aborder de manière
simple, pour autant que cela est possible, ce qu’ils dirent sur le don de
l’Esprit Saint et sur son action dans la vie chrétienne. Le sujet étant
d’une portée extrêmement vaste et d’une importance fondamentale pour
comprendre et vivre la vie dans l’Esprit, nous nous limiterons aux concepts
fondamentaux, que l’on pourra toujours reprendre et approfondir de nouveau par
la suite, et compléter ensemble. Ayons toujours conscience que les grands résultats
atteints par les théologiens médiévaux furent possibles justement parce qu’ils
vivaient dans l’environnement d’une communauté ou d’une école
spirituelle. Cela leur permit de ne pas repousser les nouveautés qui
provenaient du développement de la culture et de la science contemporaines,
mais de savoir les insérer dans la vie chrétienne, dans la réflexion théologique
et dans la contemplation mystique du mystère qu’ils avaient en face d’eux,
en les transformant avec la force de l’Esprit. Et nous aussi, aujourd’hui,
nous sommes appelés à avoir la même attitude à l’égard des personnes que
nous rencontrons, des endroits que nous fréquentons, de la société et de l’atmosphère
qui nous entourent: à savoir vivre notre vie, avec toute sa complexité, en
laissant l’Esprit de Dieu la transformer, même à travers notre personne.
Le
don de l’Esprit dans la théologie de Saint Bonaventure
Il n’est pas simple de synthétiser la théologie de ce maître
spirituel, étant donné que sa pensée n’a pas suivi à la lettre les schémas
de la scolastique, et se présente donc souvent fortement symbolique, allusive,
pleine de références, et souffre parfois d’un manque d’organisation systématique,
de celle dont nous sommes, nous pour le moins habitués avec notre mentalité
illuministe. Nous chercherons donc à interpréter de façon moderne cet auteur,
pour le rendre plus compréhensible pour nous, au travers de deux occasions: la
définition de l’Esprit Saint dans le domaine de la Trinité, et son action
dans la vie du chrétien.
La
personne de l’Esprit saint
Bonaventure tient une série de conférences sur les dons de l’Esprit
saint à Paris entre le 26 février et le 8 avril 1268, et ces sept conférences
ou collationes prennent justement le
titre de Collationes de septem donis
Spiritus sancti. Elles s’insèrent dans le cadre de la polémique avec
Siger de Brabant (Belgique) qui, ayant embrassé et appliqué à la théologie
chrétienne quelques concepts du philosophe arabo-islamique Averoès, mettait en
crise quelques-uns des fondements de la foi chrétienne, même si c’était en
toute bonne foi.
Pour
Bonaventure, Dieu le Père est Bien suprême, qui veut répandre ce bien à tout
l’univers créé, et spécialement à l’homme. Or, le bien peut se répandre
par nature ou par volonté. Au sein de la Très Sainte Trinité, l’amour du Père se
propage par nature avec la génération du Fils, alors qu’il se propage par
volonté, et donc par libéralité[1],
dans la procession de l’Esprit saint. Saint Bonaventure veut donc
avant tout souligner la pleine liberté de la donation mutuelle du Père vers le
Fils et du Fils vers le Père. Une telle donation crée une personne, qui procède
de cette liberté réciproque, la personne de l’Esprit saint. L’Esprit saint
peut donc être défini en première instance comme un don. Une telle personne-don est le fruit de cette infinie liberté
de donation réciproque du Père vers le Fils et du Fils vers le Père.
Par conséquent
l’Esprit saint peut être défini comme le premier don, don réciproque au sein de la Trinité, mais avec la
Pentecôte, don pour l’homme, qui a été rendu fils au travers du baptême et
qui prend part à la mort et résurrection du Fils Unigenito (Fils né unique,
ndt)2.
On peut donc dire, dans ce sens, que le don de l’Esprit saint est fait
par le Père, par (au travers du) le
Fils, dans le sens de l’histoire du salut, parce que c’est seulement après
la Pâque du Christ et sa glorification, qu’est donné l’Esprit saint à
l’homme. En ceci, Saint Bonaventure cherche à suivre et à interpréter
positivement la réflexion de l’Église chrétienne orientale (grecque-orthodoxe).
Il s’en remet aussi à Saint Augustin, dont il est le plus grand interprète
au XIIIème siècle.
Ce sont certainement des concepts très complexes et qui ont besoin de réflexion, en tout cas notre Bonaventure tient à souligner l’absolu gratuité de ce don divin, qui transforme l’homme, en le rendant semblable à Jésus, fils infiniment aimé du Père. Sur le concept de don et sur le concept de donation, pour expliquer de quelque manière la personne-don de l’Esprit saint, je renvoie aux textes de don Renzo Lavatori 3, ainsi qu’à ses conférences radiophoniques à Radio Maria.
L’action de l’Esprit saint en l’homme
L’homme,
créature aimée de Dieu, qui l’a fait à son image, a délibérément profané
son empreinte divine avec le péché. Tous, nous portons ce poids et ses conséquences.
C’est pourquoi l’Esprit saint fut donné à l’homme qui s’ouvre à son
action pour recréer l’âme humaine
par une nouvelle création spirituelle. Cette re-formatio
implique donc l’infusion de la part de l’Esprit saint d’une forme nouvelle
du coeur de l’homme. La grâce est cette forme nouvelle, cette nouvelle manière
d’être qui rend l’homme capable de commencer son cheminement vers Dieu:
« Grazia est forma a Deo gratis data
sine meritis, gratum faciens habenten et opus eius bonum reddens (La grâce
est la forme donnée gratuitement par Dieu sans mérite, rendant reconnaissant
celui qui la possède et rendant bonne son action) 4
.
Nous
pouvons définir ce premier moment qui advient au commencement de la vie de l’homme,
ou d’une façon ou d’une autre au moment de sa conversion comme illumination
(Voir les schémas en fin de texte, ndt), en reprenant les termes de Saint
Bonaventure. C’est le moment indispensable pour entamer le cheminement vers
Dieu, comme il conçoit la vie chrétienne, et c’est un don tout à fait imprévisible
de la libéralité divine, comme nous l’avons dit, le moment de la nouvelle création
de l’homme 5.
ECeci est un pur don de Dieu, parce que l’homme ne peut arriver, avec
ses propres forces, à puiser à cette réalité. C’est un véritable passage
du péché à la grâce, de la condition d’éloignement de Dieu à la
condition de viator, c’est-à-dire
celui qui chemine vers Dieu.
Dans cette
nouvelle création sont données à l’homme sept vertus et sept donc de
l’Esprit saint; tandis que les sept vertus (théologales et cardinales) ont la
capacité d’orienter et de rectifier le cheminement chrétien, les sept dons
de l’Esprit saint ont la fonction de faciliter ce cheminement, expedire,
comme dit le Saint lui-même 6.
C’est le
second moment, celui de la purification,
parce que les donc de l’Esprit saint servent aussi à éliminer les obstacles
qui appesantissent nos facultés, et à la habiliter vers la communion avec Dieu
7.
Ces
dons-ci ne seraient pas indispensables à l’homme au sujet du salut éternel,
comme les vertus, ils attestent donc encore de la libéralité divine et sont justement dits dons, attribués à
l’Esprit saint ou Premier don 8.
Le troisième
moment, qui appartient toujours à ce cheminement spirituel est celui de la perfection,
qui s’obtiendra de façon stable dans la communion éternelle avec Dieu, mais
qui, justement par l’action de l’Esprit saint, peut être atteinte dans des
moments particuliers chez l’homme qui se rend docile aux inspirations et aux
lumières que l’Esprit lui donne, soit au travers de la prière, soit au
travers du rapprochement communautaire, soit au travers de l’écoute de la
parole de Dieu. Il faut souligner que ces trois moments du cheminement spirituel
sont comprésents et se répètent souvent, même si, sur la plan de l’histoire
de chacun, il y a un moment illuminatif, un moment de purification, et qu’il y
en aura un de perfection, qui correspond à la communion mystique et affective
avec Dieu. Nous pouvons donc dire que la théologie bonaventurienne sur
l’Esprit saint est une théologie vue du
côté de l’homme, parce qu’elle est comme un cheminement mystique qui a
comme fin la contemplation de la Trinité, qui est amour et béatitude éternelle:
en effet « Il est nécessaire que, là
où est la béatitude, l’amour suprême y soit aussi... C’est avec cet amour
que le Père aime le Fils; et c’est une ardeur infinie... comme effluente et
s’épanchant dans le Fils, comme reflux dans l’Esprit saint »
9.
Le
don de l’Esprit dans la théologie de Saint Thomas d’Aquin
Au contraire de Saint Bonaventure, la pensée de Thomas se présente presque comme déjà formée dès ses premières expressions, même si aujourd’hui l’on admet une certaine évolution. La grandeur de Thomas, qui saura dépasser celle de Saint Bonaventure en précision et en technique spéculative, se tient dans les nouveautés de son enseignement, pleinement inséré dans la tradition biblique, patristique, ecclésiale, mais aussi capable d’exploiter les nouveautés amenées par la découverte de la philosophie aristotélicienne. Guillaume de Tocco, exprime bien cette nouveauté dans son récit de la vie de Thomas:
« Frère Thomas soulevait dans son enseignement de nouveaux problèmes, inventait une nouvelle méthode, employait de nouveaux réseaux de preuves; et à l’entendre ainsi enseigner une nouvelle doctrine, avec des arguments nouveaux, on ne pouvait douter que Dieu, par l’irradiation de cette nouvelle lumière, et par la nouveauté de cette inspiration, lui avait donné d’enseigner, en parole et en écrit, de nouvelles opinions et un nouveau savoir. » 10.
Quelle est donc cette grande nouveauté qui a fait de Saint Thomas le Docteur commun de l’Église, nouveauté qui fait encore aujourd’hui de lui l’un des plus grands théologiens et philosophes de tous les temps? Nous le découvrirons ensemble justement en étudiant de manière synthétique le don de l’Esprit saint, comme il apparaît dans quelques-uns des plus célèbres écrits thomistes.
La
personne de l’Esprit saint
En répondant (mais toujours sans polémique) à la conception
augustinienne de Bonaventure, Thomas voit avant tout Dieu comme « sujet »,
c’est-à-dire comme thème d’étude de la théologie: une telle étude est
possible aussi bien par lien « créaturel » que par l’histoire même
du salut. À savoir que l’homme est ontologiquement capable de connaître Dieu,
et cette sienne connaissance peut avoir une semence de vérité, comme le démontrent
les recherches des philosophes païens, tels que Platon, Aristote ou Plotin.
Ceci est rendu possible aussi par la structure même de l’histoire du salut,
par laquelle, avec assurance, nous pouvons connaître Dieu, parce que Lui
s’est révélé à nous. Or le dessein de l’histoire du salut consiste dans
un mouvement circulaire, qui a comme début la source d’amour du Père, de
laquelle dérivent toutes les choses par création: et a comme fin la béatitude
éternelle et le retour au Père Lui-même (voir schéma en fin de texte), rendu
possible par la Pâque du Christ et par l’effusion de l’Esprit. Le schéma émanation-retour,
qui est pris aux philosophes de l’Antiquité (Plotin) est rapporté dans le Commentaire
aux sentences de Pierre Lombard, et aussi dans la fameuse Summa
Theologiae, parce qu’un tel schéma, avant d’être philosophique ou théologique,
est un schéma biblique car il correspond à la Révélation divine. La
nouveauté la plus grande se trouve dans le fait que ce mouvement circulaire, présent
dans la création (plan naturel) correspond à la vie divine trinitaire (plan
supranaturel) et est son image. La création, le mouvement d’émanation, a
comme correspondant la génération éternelle du Fils, tandis que le retour au
Père a comme correspondant l’inspiration de l’Esprit saint.
Pour Saint Thomas donc, la génération
du Fils est un acte qui concerne l’intellect
divin et a comme correspondant la sagesse qui resplendit dans la création, la
Parole créatrice; l’inspiration de
l’Esprit saint est un acte qui concerne l’amour
réciproque du Père et du Fils, et a comme correspondant le mouvement que
toutes les créatures, et de manière particulière, l’homme, ont en direction
de Dieu, parce qu’en elles il y a une poussée, quand bien même inconsciente
mais vraie, en direction de l’amour éternel qui est le Père. Avec la Pâque
du Christ, l’Esprit saint est répandu sur tout homme comme don, et l’amour
vers le Père, image de l’amour éternel du Fils Jésus à l’égard du Père,
devient la pousse consciente du retour. L’Esprit saint est donc la personne-amour
qui, répandue dans le coeur de l’homme, le rend pleinement capable de découvrir
et d’accueillir l’amour du Père, de s’abandonner et de partager cet amour
comme fils. La nature divine et la volonté divine, selon Saint Thomas, peuvent
donc s’identifier avec l’amour, selon les paroles de Jean, pour lequel
« Dieu est amour ».
L’action
de l’Esprit saint dans l’homme
Une première
action attribuée par Thomas à l’Esprit saint en tant que personne-amour est
celle de la connaissance de Dieu. En
effet « On ne peut pas aimer une
chose si l’on ne la connaît point » 11
,
et donc on peut aimer Dieu seulement en le connaissant. Or, il y a trois
façons de connaître la réalité: sensible, rationnelle et spirituelle. Celle sensible
concerne le monde physique et aussi l’homme en tant que créature. À
l’inverse, pour ce qui concerne Dieu, cette façon sensible est le moment négatif
(apophatique) de la connaissance, parce que Dieu, nous ne pouvons ni le voir, ni
le toucher. La façon rationnelle
concerne la connaissance de la réalité sensible ordonnée selon les sciences,
ou bien, à l'égard de l’homme, aussi les sciences qui concernent sa partie
immatérielle: sociologie, anthropologie, psychologie, philosophie. En ce qui
concerne la philosophie, il y a la possibilité d’une connaissance rationnelle,
au moyen de la philosophie, avec laquelle on reconnaît Dieu comme cause et fin
de toutes les choses: c’est une premier moment positif. Mais il y a une connaissance encore plus profonde qui est
celle spirituelle, une connaissance
l’on a entre deux personnes quand l’une révèle à l’autre tout son être,
ses pensées, ses projets, sa communion d’amour et d’amitié. Une telle
connaissance est possible entre les hommes et il y a la libre volonté de se
donner à l’autre sans peurs ni desseins, et la libre volonté d’accueillir,
d’aimer l’autre comme don, sans préjugés ni desseins d’espèce. Or une
telle connaissance est avant tout typique des trois personnes divines. Le Père
connaît le Fils dans l’Esprit saint, et se donne totalement à Lui, le Fils
connaît le Père dans l’Esprit saint et Lui aussi s’offre totalement au Père.
Dans la Très Sainte Trinité est l’Esprit, une personne qui sert de médiatrice,
si l’on peut dire. Or la nouveauté, c’est que l’homme aussi peut avoir, même
si ce n’est que d’une manière imparfaite sur cette Terre, une connaissance
de Dieu qui dépasse les deux premiers niveaux, et devient connaissance
spirituelle: mais cela est rendu possible seulement par l’action extrêmement
subtile et délicate de l’Esprit Saint, qui, répandu dans le coeur humain, le
rend capable d’accueillir l’autorévélation divine. À ce point, Dieu ne
sera plus connu simplement comme être transcendant nos sens, ou comme cause et
fin de toutes les choses, mais comme Père, qui veut communiquer à nous, ses fils, son
amour. Mais pour connaître cette merveilleuse réalité, il faut nécessairement
l’action de l’Esprit saint, parce qu’avec les seules forces humaines, nous
aurions seulement une connaissance confuse et partielle de Dieu. Ainsi
l’Esprit est don qui ouvre à la
connaissance du mystère d’un Dieu qui est avant tout personne, et du mystère
des hommes, qui peuvent accueillir ou refuser une telle connaissance.
Un second aspect de
l’action de l’Esprit saint dans l’hommes, selon la perspective thomiste,
est celui qui aide l’homme dans son cheminement de retour au Père. L’homme,
en tant que créature, est déjà prédisposé à ce cheminement, mais
l’Esprit saint nous pousse, avec ses suggestions, à ne pas nous tromper de
route et nous donne la force de rendre ce cheminement plus rapide, plus prompt.
C’est un peu la différence qu’il y a entre un bateau à rames et un bateau
à voiles. Ce souffle spirituel
pousse notre petite barque vers le but assuré qui est la communion avec le Père:
on n’a pas besoin de se fatiguer à ramer, ou à chercher le courant favorable,
il suffit de s’abandonner au souffle de l’Esprit, qui remplit notre âme et
la fait voler vers la maison du Père. Beaucoup de philosophes de l’Antiquité
et beaucoup de philosophes d’aujourd’hui s’évertuent, jour après jour,
avec peine et beaucoup d’échecs, à chercher une route qui corresponde à
leur besoin d’amour et de paix. Or, l’action de l’Esprit saint, si elle
est secondée, est justement capable de faciliter énormément et d’alléger
cette fatigue, en éclairant notre chemin comme une boussole, et en nous
poussant vers l’avant vers le but désiré, qui est la communion avec Dieu,
son amitié, justement parce que « c’est
le propre des amis que de rechercher la communion » 12
.
Un dernier
aspect, relié à ceci, c’est celui des dons de l’Esprit. Ils sont divers, et ont été distribués à
chacun pour son bien personnel (les sept dons, les vertus, les puissances ou
possibilités personnelles) ou pour le bien de l’Église (charismes). Or, la
caractéristique des dons de l’Esprit est de ne pas être faits pour rester
enfermés dans un coffre-fort, mais justement à cause de leur provenance de
l’Esprit, qui a comme caractéristique personnelle celle de mettre en communion le Père et le Fils, ces dons se reflètent, même
inconsciemment, sur les personnes de manière à les mettre en communion entre
elles et à faire en sorte que tous
puissent être aidées, encouragés, poussés à cheminer ensemble vers le but,
qui est la maison du Père. Ses donc impliquent donc toutes les personnes avec
lesquelles on entrent en contact, mais avec un caractère particulier: ils se
manifestent en effet, comme il en a été pour Jésus, dans la faiblesse
de la condition humaine: seule la foi peut faire découvrir derrière les
personnes l’action rénovatrice de l’Esprit saint. Ils sont indispensables
pour faire découvrir aux hommes leur fin dernière, transcendantale,
supranaturelle, chose impossible avec les seules forces humaines, comme
le souligne justement Saint Thomas 13.
C’est pourquoi Saint Thomas considère le don de l’Esprit dans la
dimension objective, et sa théologie
de l’Esprit saint peut être définie comme vue du côté de Dieu. Dans un tel sens, ayant été capable, avec les
catégories du temps, de mettre en équilibre dimensions naturelle et supranaturelle,
dimensions historique et métaphysique,
il a dépassé, justement sur un ton mystique, la théologie de Saint
Bonaventure. La révélation divine n’est plus seulement extrinsèque à l’homme,
mais elle en implique totalement l’être, parce que créé par Dieu et donc
essentiellement bon, même si pêcheur. La chose la plus surprenante chez Thomas,
c’est qu’il a utilisé pour proposer ses grandes intuitions théologiques le
langage technique et scientifique des philosophes païens, en reconnaissant en
eux une capacité de vérité qui allait au-delà de leur ignorance de la révélation.
Conclusion
Nous avons fait un très rapide excursus dans quelques aspects parmi les plus éclatants des théologies thomiste et bonaventurienne. Nous avons vu, et nous pouvons confirmer, la formulation différente des deux théologies aux moyens des deux schémas ci-dessous, qui veulent les montrer de façon synthétique. Ils peuvent être utiles justement à but didactique et pour aborder de manière intuitive ce face à face que nous nous sommes proposés d’examiner. On ne peut certes pas prétendre avoir tout dit: grand est le mystère devant lequel nous sommes, et grande aussi la réflexion que ces deux grands théologiens furent capables de faire. Il ne me reste qu’à me souhaiter et à souhaiter à celui qui lira ce petit essai de pouvoir toujours accueillir l’Esprit saint qui nous a été donné avec abondance, et que ces brèves réflexions, si elles ont été inspirées par l’Esprit saint, puisse parvenir, s’il plaît à Dieu, à beaucoup de personnes. Que l’infinie puissance de l’Esprit de Dieu exhausse ma prière.
[1]
I Sent. d.10, a.1,
q. 1, f.5
2
I Sent, d.18, q.3, f.3
3 LAVATORI R. , L’Esprit saint don du Père et du Fils; le don de Dieu, tous édités chez Ed. Dehoniane, Bologna.
4 II Sent, d.26, db.2
5
Ces termes sont extraits du traité de spiritualité De triplici via (De la triple voie), tandis que le concept de vie
chrétienne en tant que cheminement est exprimé magistralement dans le très
célèbre « Itinerarium mentis
in Deum ».
6 Coll. 1, n.17
7 BIGI C. V., Études sur la pensée de S. Bonaventure, éditions Porziuncola, S. Maria del Fiore, Assise 1988
8 III Sent., d.34, p.1, a.1, q.1.
9 BIGI C.V. ( a cura di), (aux soins de), Saint Bonaventure, La sagesse chrétienne; Collationes in Hexaemeron, tr. it., ed. Jaca Book, Milan 1985
10 DI TOCCO G., Vita S. Thomae Aquinatis auctore Guillelmo di Tocco, en Fontes Vitae S. Thomae Aquinatis notis historicis et criticis illustri, ed. D. Prummer e M. H. Laurent, Tolosa 1911- 1937.
11 Cont. Gent. L. IV, c. 19, tr.it. a cura di T. S. CENTI, ed UTET, Turin 1984.
12
ibid.,
c.19.
13
Summa Theol., I-II, q. 68, aa. 1-2.